La propriété intellectuelle dans le secteur de la biotech : l'exemple d'Enterome

Protéger sa propriété intellectuelle est indispensable pour une société biotech. La PI, et notamment le brevet pour une entreprise biotech est importante à deux niveaux : elle permet d’attirer des investisseurs et elle constitue souvent le produit final. Il est donc essentiel de s’intéresser à la PI dès l’étape de concept et d’adapter sa protection au fur et à mesure du développement.
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Alexandre Simon, Mandataire en Brevets Européens et Responsable Propriété Industrielle d’Enterome, nous fait part de son expérience concernant la stratégie PI mise en place à travers l’exemple de son candidat médicament EO2401.

Enterome et le candidat médicament EO2401

Enterome est une société de biotechnologie développant plusieurs immunothérapies dans le domaine de l’oncologie à partir de son expertise du microbiote intestinal.
Le candidat médicament EO2401 est actuellement en phase 1/2 (étude ROSALIE, EOGBM1-18) dans le glioblastome (le cancer cérébral le plus fréquent chez l'adulte).
Découvrez-en plus sur ce médicament candidat et les récents résultats cliniques.

Quelles ont été vos premières actions de propriété intellectuelle ?

Alexandre Simon : Nous avons commencé par effectuer une recherche bibliographique d’antériorités (littérature brevet et non-brevet) afin d’identifier l’art antérieur. Cette recherche nous a permis de déterminer si les peptides identifiés sont nouveaux et inventifs. Cela a été possible après avoir défini les expériences minimales requises pour défendre au mieux leur brevetabilité et analysé les résultats obtenus sur la base de différents critères biologiques (affinité, immunogénicité, etc…). 

Qu'est-ce que l'état de l'art ?

Pour être valablement protégée, votre invention doit notamment être nouvelle et inventive. L’une des démarches préalables nécessaires au dépôt d’une demande de brevet est donc de faire le point sur l’état de la technique de votre invention (demandes de brevet ou brevets antérieurs, publications, articles, divulgation sur internet, etc.).

Puis, nous avons réalisé une demande prioritaire dans laquelle nous avons revendiqué les différents aspects susceptibles d’être brevetés afin de couvrir au mieux notre candidat médicament.

D’autres points de vigilance à prendre en compte ? 

A. Simon : En parallèle de la brevetabilité des différents peptides, nous nous sommes assurés de leur liberté d’exploitation. Nous avons fait une recherche des brevets potentiellement pertinents en vigueur à la date estimée de mise sur le marché du candidat médicament. 
Si des brevets sont détectés, il faut mettre en place une surveillance à plus long terme

Liberté d’exploitation

Afin de ne pas vous retrouver vous-même dans la position du contrefacteur si vous exploitez votre invention, vous devez a minima identifier, s’il y en a, les brevets et demandes de brevets françaises, européennes et internationales encore en vigueur (les 20 dernières années par mesure de sécurité) portant sur des inventions identiques ou similaires.

Ainsi, les résultats des études de brevetabilité et de liberté d’exploitation peuvent influer sur le choix des peptides et donc des candidats médicaments qui seront développés en clinique. 

Enterome interview développement biotech

Quelles sont les autres étapes à anticiper par la suite ? 

A. Simon : Il faut ensuite préparer une demande internationale PCT (Patent Cooperation Treaty) de brevet. Elle permet la délivrance de plusieurs brevets nationaux ou régionaux. Cette demande comporte deux phases, dites « internationale » et « nationale ».

  • La phase internationale :

Ce nouveau dépôt tient compte du rapport de recherche établi pour la demande prioritaire avec la probabilité d’un nouveau document de l’art antérieur identifié par l’examinateur (divulguant par exemple un autre peptide variant décrit par une équipe académique ou une société).
Dans un tel cas, l’enseignement de ce document est discuté avec l’équipe de recherche et des expériences additionnelles peuvent être réalisées afin de renforcer notre position. En effet, le dépôt PCT étant un nouveau dépôt, il est possible d’y intégrer l’ensemble des données complémentaires obtenues dans l’année de priorité. 

  • La phase nationale :

Il faut choisir les pays dans lesquels notre candidat médicament sera protégé. Dans notre cas, nous avons fait un compromis entre coûts financiers et potentiel de marché, afin de le protéger dans une dizaine de pays majeurs et/ou avec des capacités de production importantes tels que EP, US, CN, IN, JP… 
Ensuite, les autorités d’examen dans le cadre du PCT, selon les pays dans lesquels on cherchera à avoir une protection, examinent notre demande, jusqu’à obtenir des brevets nationaux délivrés dans chacun des territoires désignés. Une fois encore, les examinateurs de chaque office peuvent effectuer une nouvelle recherche et/ou émettre une opinion différente, nécessitant parfois de fournir encore des données expérimentales complémentaires afin de défendre la brevetabilité de l’invention. 

Pour notre candidat médicament EO2401 avec plusieurs peptides distincts, nous avons planifié une stratégie de dépôts successifs de demandes divisionnaires, ce qui conférera plusieurs couches de protection. Ce point est important à anticiper pour la détermination du budget PI sur plusieurs années. En fonction de l’avancée des procédures d’examen ou des difficultés éventuellement rencontrées, nous réviserons régulièrement le budget avec l’équipe finance/comptable.

Enfin, existe-t-il une particularité PI liée au secteur de la biotech santé ? 

A. Simon : Les temps de R&D sont très longs, au moins une dizaine d’années. Ainsi, le certificat complémentaire de protection (CCP) a été créé pour compenser le temps nécessaire à l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un médicament. Le CCP permet de protéger le médicament pendant 5 années supplémentaires. Ce point est très important à prendre en considération en lien avec l’équipe réglementaire pour évaluer la durée de protection totale, utile à l’équipe finance pour déterminer la valorisation du produit en développement. Enfin, je tiens à rappeler que la protection par brevets est complémentaire à la protection réglementaire des résultats des essais cliniques dite « protection des données ».