Marque et nom de domaine : le combo gagnant

Au même titre que la marque, le nom de domaine est devenu un outil stratégique de marketing et de la communication d'entreprise. Penser au nom de domaine en amont dans un projet permet également de se protéger du cybersquattage. Mais comment et quand choisir son nom de domaine ? Comment le protéger ? Nous faisons le point avec Marc-Emmanuel Mellet, expert du sujet.
Verbatim Marc-Emmanuel Mellet

Marc-Emmanuel Mellet, juriste en Marques, Dessins et Modèles et Responsable du pôle Noms de domaine et Internet dans le cabinet Novagraaf et également membre de l’Afnic, nous éclaire sur le nom de domaine et nous fait part des réflexes à avoir pour ne pas être victime de cybersquattage.

À quoi sert le nom de domaine ?

Marc-Emmanuel Mellet : D’abord outil technique permettant d’identifier un site Internet sur le web, le nom de domaine s’est mué en un outil de communication. Au même titre qu’une marque ou une enseigne, le nom de domaine permet aujourd’hui d’attirer la clientèle. Il est devenu un actif essentiel dans leur patrimoine immatériel qui a une valeur économique et qu’il convient également de protéger et défendre.

Le nom de domaine est-il protégé par la propriété intellectuelle ?

M-E Mellet : En l’absence de texte normatif, c’est la doctrine et la jurisprudence qui ont reconnu que le nom de domaine est un signe distinctif qui jouit d’une protection au même titre que la dénomination sociale et qui le qualifient de bien patrimonial immatériel, confirmant la pratique économique, même si cette position n’est pas unanime. 

Quand faut-il s’intéresser au nom de domaine dans le développement de son projet ?

M-E Mellet : Souvent délaissée du fait de son caractère « technique », la question de la réservation du nom de domaine est régulièrement soulevée trop tard. Au moment du déploiement du projet, l’opérateur économique se rend souvent compte que le nom de domaine n’est pas/plus disponible. Afin d’éviter ce genre de mésaventures, son enregistrement doit, idéalement, être considéré, au même moment que celui de la marque, voir en amont

Comment choisir son nom de domaine ?

M-E Mellet : Le nom de domaine est composé d’un radical et d’un suffixe (appelé aussi extension). 
Par exemple, <inpi.fr> a pour radical INPI et pour suffixe .fr. 

Le radical :
L’idéal est d’opter pour la reprise de la marque : il sera ainsi facilement mémorisable et identifiable pour l’internaute. 
De plus, il faut garder à l’esprit que le nom de domaine figurera dans les adresses emails liées au site Internet. Pour le nom de domaine <inpi.fr>, les adresses emails sont XXX@inpi.fr. 
Enfin, un terme générique peut être utilisé : le nom de domaine n’est pas soumis aux conditions de validité de la marque. Utilisé ainsi, le nom de domaine servira à communiquer sur des termes qui ne pourraient pas faire l’objet d’un monopole à titre de marque.

Pour être valide, une marque doit être arbitraire

La marque doit être arbitraire, c’est-à-dire être :

  • Distinctive : à savoir être perçue comme une marque par le consommateur ;
  • Non descriptive : elle ne doit pas se borner à désigner une caractéristique du produit ou du service ;
  • Non générique : le signe choisi ne doit être ni usuel, ni nécessaire : il ne doit pas être exclusivement composé de mots ou expressions qui, dans le langage courant ou professionnel, servent à désigner le produit ou le service concerné ;
  • Non déceptive : elle ne doit pas comporter d'éléments trompeurs : la marque ne doit pas induire le consommateur en erreur sur la nature, les caractéristiques ou la provenance du produit ou du service, sinon elle pourrait être assimilée à une forme de publicité mensongère.

L’extension :
Elle peut être d’ordre géographique (.fr, .eu…), générique (.com, .net), etc.
Son choix n’est pas anodin car certaines extensions jouissent d’une certaine popularité, voire de confiance auprès du public (.fr ou .com). D’autres pourront créer au contraire une méfiance. 
Certaines peuvent servir à mettre en valeur un encrage géographique (.alsace, .paris ou .bzh) ou mettre en perspective un domaine d’activité (.pizza, .muzeum). 
Stratégiquement, il est conseillé de réserver son nom de domaine pour la ou les extensions principales et d’intérêt. Prenons l’exemple d’une TPE ou PME : un nom de domaine composé de la marque et la réservation des extensions « .fr » et « .com » est suffisant et lui offrira une certaine visibilité.

Est-il nécessaire de vérifier la disponibilité d’un nom de domaine ?

M-E Mellet : Si un nom de domaine n’a pas besoin d’être distinctif (contrairement à la marque qui ne peut être descriptive), il convient tout de même de vérifier qu’il est disponible, comme vous le feriez pour une marque par le biais de recherche d’antériorités. Sur ce point, l’INPI peut vous accompagner tout comme l’AFNIC (registre du .fr).

Qu’est-ce que le cybersquattage ?
 
M-E Mellet : La réservation des noms de domaine est régie par la règle « du premier arrivé, premier servi », favorisant le cybersquattage. Cette pratique frauduleuse consiste en la réservation mal intentionnée d’un nom de domaine reprenant la marque ou la dénomination d’un tiers, dans le but d’obtenir un avantage indu (paiement d’une somme d’argent, profiter de la notoriété de la marque…). Il est donc indispensable d’inclure une réflexion sur la réservation du nom de domaine le plus en amont possible d’un projet.

Dans le cas d’un cybersquatteur cherchant à obtenir le paiement d’une somme d’argent en échange du transfert du nom de domaine, il est recommandé de ne pas transiger afin de ne pas inciter à de nouvelles réservations. 

Comment se prémunir du cybersquattage ?

M-E Mellet : Afin d’être alerté de réservations gênantes ou frauduleuses, il est conseillé de mettre en place une surveillance parmi les noms de domaine, au même titre qu’une surveillance parmi les registres de marque. En pratique, tous les résultats générés par ce type de surveillance ne nécessitent pas une action. En l’absence de site actif ou si les serveurs permettant l’envoi d’email ne sont pas configurés, une simple surveillance de ce nom de domaine est suffisante. 
Si un nom de domaine gênant est détecté, une solution amiable peut être tentée en envoyant un courrier de mise en demeure au titulaire, à l’hébergeur ou au bureau d’enregistrement des noms de domaine (registrar) en fonction du cas.

Il peut également être intéressant de communiquer sur le nom de domaine dans le cadre de campagnes publicitaires en précisant que le site Internet concerné correspond à tel nom de domaine.

Par ailleurs, il existe de nombreuses actions extra-judiciaires permettant de régler un litige concernant un nom de domaine qui sont relativement rapides, peu coûteuses et efficaces notamment en comparaison des actions judiciaires (procédures UDRP et Syreli par exemple).

Enfin, un titulaire de droit antérieur peut assigner, devant une juridiction judiciaire, le titulaire d’un nom de domaine, réservé postérieurement. Le choix de l’action dépendra des droits invoqués.